L'Allemagne, l'autre pays du pain.

Un dicton populaire allemand affirme que la bière est un pain qui se boit ! C'est dire toute l'importance que tient le pain dans l'alimentation de nos cousins germains qui, avec 84 kilos par an et par personne en sont les premiers consommateurs européens, loin devant les 60 petits kilos français.

Signes qui ne trompent pas, la machine à couper le pain et le "brettchen", la planchette à tartines sont vraisemblablement les ustensiles de base indispensables dans chaque cuisine allemande. D'aucuns, moqueurs à souhait prétendront que c'est à cause de leur fameux pain noir, si compact et dense là où d'autres rappelleront plus sérieusement qu'avec plus de 300 sortes de pain, l'Allemagne est un vrai pays de tradition pour le pain.

Le Pumpernickel : un pain sans farine

De tradition il est question pour le fameux Pumpernickel,  le pain noir de Westphalie dont on détient la recette depuis 1400 à Usnabrück. Pain de famine et de peu, il est toujours réputé pour sa texture terreuse, son acidité et ses qualités bienfaisantes grâce aux nombreuses fibres alimentaires qu'il contient. Et pour cause, puisque sa matière première n'est pas la farine, mais le grain broyé avec le son. Au levain de seigle, façonné avec de l'eau chaude, de l'huile et du sel, est aussi ajoutée de la mélasse, un sirop épais et visqueux extrait de la canne à sucre et qui lui donne après une cuisson lente, cette couleur noire caractéristique.

Si les recettes actuelles prennent quelques libertés avec ce pain 100% seigle en adjoignant quelque peu de farine complète, le Pumpernickel reste la locomotive des "kastenbroten", les pains cuits en moule clos et à la vapeur, à l'instar du Landbrot, un pain de campagne tout seigle au babeurre à la saveur douce amère.

Avec la fabrication toujours traditionnelle de ces pains dans les quelques 50 000 boulangeries artisanales du pays représentant 60% du marché global, l'Allemagne reste cependant partagée dans ses modes alimentaires. Les pains de seigle sont rois dans l'ancienne RDA, les céréales ont du succès au nord du pays, tandis que le centre est plutôt au régime complet quand le sud préfère les pains au blé. Toujours est-il que l'Allemagne est un pays où la différence entre pain blanc (weissbrot), pain noir (schwarbrot) et pain complet (vollkornbrot) ne trompe personne.

Du pain de tartine au pain de chauffage

Pour expliquer cette folie du pain outre-Rhin, impossible de ne point évoquer le régime alimentaire qui, du petit déjeuner au goûter, sans oublier le diner privilégie la tartine. Outre les consensuelles confiture, beurre et miel du matin, plus spéciales sont les tartines à la charcuterie, aux tomates oignons, au fromage blanc, au hareng ou à la sardine. Mélanges que l'on pourra trouver dans les "brötchen", ces petits pains blancs tout ronds dont la composition n'a d'égale que la créativité des boulangers.

On comprend sans mal que la gastronomie allemande s'accommode de pains variés en fonction des saveurs et des accords recherchés. Les "krastenbroten" ou pain à croûte sont ainsi très nombreux : le roggenbrot au seigle et froment à la texture dense et au goût très prononcé sera par exemple à même de répondre aux tartines sucrées/salées très appréciées. Une tranche de cheddar sur de la confiture au pain beurré ou une tranche beurrée recouverte de mélasse avec du boudin demandent un pain pour le moins choisi.

Impossible de parler de pain allemand sans mentionner le fameux Kugelhopf, ce fameux pain brioché parfumé au citron et aux raisin secs ou le curieux Stollen, ce pain de Noël brioché aux fruits secs ou confits dont la forme ovale symbolise l'enfant Jésus dans ses langes.

Dernier conseil :  jeter du pain en Allemagne est très mal vu ! Les souvenirs de famine ont la peau dure. Demandez à ce boulanger des environs de Dusseldorf qui, au lieu de jeter les 4 tonnes mensuelles de pain périmé décida de les recycler en biomasse. Broyé et mélangé à du bois, le pain permet de chauffer les fours et, outre l'économie d'énergie, participe à la réduction de 80% des gaz à effet de serre dans son entreprise. Malgré le progrès engendré par cette initiative pilote, la clientèle mit quelque temps pour lui pardonner de brûler du pain.

Mais de quel pain j'me chauffe ?